La librairie est morte, vive la... ?

La quoi ?
Le monde de la librairie vit une mutation sans précédent, le commerce électronique et la dématérialisation du livre .
Comment les libraires doivent-ils s'adapter à cette nouvelle donne ?
Si la librairie d'aujourd'hui est morte, alors quelle sera-t-elle demain ?

mardi 13 décembre 2011

Penser la librairie différemment, 6 ème partie : " Comment réinventer la librairie qui va enrichir la vie du client ?


« Chercher ne signifie rien en peinture. 

Ce qui compte, c’est trouver. »  

Pablo Picasso

Voilà bien une citation que l'on pourrait reprendre à notre compte pour le commerce : "chercher ne signifie rien en commerce. Ce qui compte, c'est que le client trouve".

Et il a l'embarras du choix.

A la question : pourquoi un client va-t-il opter pour une librairie plutôt qu'une autre (ou le web), la réponse est souvent : "grâce au conseil", "grâce au fonds"... bref cela tourne autour du professionnalisme ou du produit. 
Bien.

Seulement, rarement l'expérience d'achat du client est citée.
L'expérience d'achat ce n'est pas uniquement ce que j'achète et pourquoi je l'achète mais aussi comment je l'achète...

Pourquoi ce décalage ?
Parce que les métiers du commerce en général et de la librairie en particulier ont longtemps été orientés produit, et c'est normal.
Mais à l'heure du commerce mondialisé et du web, le produit ne suffit plus. Même le conseil (le savoir de l'expert) perd sa prédominance.

Mais que souhaite le client ?

Aujourd'hui, on considère encore la librairie comme un lieu de vente de livres. Or, si c'est toujours le cas bien sûr, le client a un choix de librairies qui dépasse tout ce que nous avons connu auparavant. Les seuls assortiment et conseil ne suffisent plus.

Dans mon livre, je milite pour une mutation des points de vente.
D'ailleurs, ce ne seront plus uniquement des points de vente.
La dimension "sociale" du shopping est à intégrer aux nouveaux modèles d'affaire.
Quelques questions d'empathie client à se poser. Si j'étais mon propre client  : 
  • Comment vais-je changer mon expérience d'achat ?
  • Comment rendre mon shopping en librairie plus positif, plus enrichissant ?
  • Qu'est-ce qui me rendrait vraiment service ?
  • Si je compare cette librairie à celle d'à côté, qu'est-ce que je préfère ?
  • C'est quoi pour moi client, un professionnel du livre ?
Imaginez la tête du chef d'entreprise/libraire, à qui, par exemple, on proposerait de réfléchir à compléter les objectifs de vente par des objectifs de bien-être du client...
Que l'objectif n'est plus uniquement de vendre mais de le satisfaire... ce client.

Je vous vois venir, vous vous dites : "ben là, il dit l'inverse de son billet précédent, lui qui parlait de vendre, vendre et vendre encore..."
En êtes-vous si sûr ?

C'est bien d'un changement de modèle d'affaire dont on parle, de philosophie de la vente même.
Et je vous laisse imaginer les modifications à apporter en terme de ressources humaines : organisation, formation...
Car, c'est l'ensemble de l'entreprise qui est remise en cause : de la direction au magasin, et ce dans tous les domaines : vente, caisses, merchandising, marketing, comptabilité, RH, logistique... et j'en passe.
Pour un vendeur, cela semble évident.
Mais un comptable ? Un réceptionnaire ? Un... dirigeant ?

Que fais-je, moi, chaque jour, dans mon travail pour satisfaire le client final ?

Chaque service doit changer ses processus dans le seul objectif de satisfaire le client pour augmenter les ventes.
Mais soyons clairs, le bien-être client ne pourra se développer sans le bien-être des équipes.

Faire vivre une expérience positive au client, c'est également répondre à ses attentes en terme d'architecture intérieure, de design, d'équipement et surtout de déambulation (de promenade ?).
N'avez-vous remarqué que certains sites web vous proposent une navigation bien plus agréables que d'autres ?
C'est la même chose en magasin.
Naviguer sur le web ou en magasin, même combat : de la fluidité, de la curiosité, des surprises, du confort, de la praticité, des services... !

D'autres questions :
  • Etes-vous prêts à aider votre client en magasin ? Si oui, comment ?
  • Quelles nouvelles valeurs allez-vous leur communiquer ?
  • Quels services allez-vous leur proposer  ?
  • Comment faciliter son achat ?
  • Comment allez-vous faciliter le quotidien de votre client (débordé) ?
  • Votre magasin, votre site web sont-il pratiques ?
  • Votre magasin, votre site web sont-ils beaux ?
  • Est-il agréable de se balader dans votre librairie ?
  • Est-il facile d'obtenir une information, un conseil des vendeurs, sur votre site web ?
  • Comment le client cherche-t-il un livre en magasin et sur votre site web ? Que tape-t-il sur son clavier ? Où atterrit-il (amerrir devrais-je dire) ?
  • Votre client se retrouve-t-il facilement dans les rayons, votre site web sans demander d'aide ?
  • Est-il facile de commander, de récupérer et surtout de se faire livrer ?
Jean-Marc Megnin dont je vous conseille le blog sur les tendances retail précise, concernant l'expérience du client :
"Le magasin connecté c’est la liberté : porter mon produit, pousser mon caddie, faire la queue pour avoir un vendeur , la queue aux caisses, le parking … finis. Avec le magasin connecté : j’ai choisi, je finalise ma commande, je vérifie le stock, je paie, je me fais livrer où je veux quand je veux … et je repars les mains dans les poches.

Voici une proposition de bon(r)nes pratiques (cross canal) que certaines enseignes proposent et qu'il faut, à mon sens, adopter :

  • "Scan & deliver : après avoir choisis, je scanne l’article en magasin, je paie en ligne à travers une borne. Je me fais livrer à domicile. Castorama le fait Marc & Spencer en fait un argument phare pour l’ouverture de son magasin Champs Elysées.
  • Clic & deliver : schémas classique, je commande depuis chez moi sur internet, je me fais livrer à domicile.
  • Clic & pick up : je commande et je paie sur internet et je viens chercher en magasin (DARTY, Boulanger …)
  • Call & pick up : je téléphone je paie et je viens chercher en magasin." 
(Source J.-M. Megnin)
J'ajoute : je scanne avec mon smartphone (cf. application FNAC) les livres que j'ai consultés ou que le libraire m'a conseillés. Je les réserve ou les commande sur le site via l'application du magasin, je paye sur mon compte et je retire en rayon ou à la sortie du magasin (les paquets cadeaux sont faits), ou je me fais livrer chez moi ou au bureau. Folie ?


Non, nous ne vendons plus uniquement des livres, mais une manière de les acheter.
Nous vendons aussi plus particulièrement du contenu (livres numériques).
Nous vendons donc du bonheur, du plaisir, de la joie, de la distraction, des rires, des larmes et bien d'autres choses encore... bref de l'humanité (des romans, des essais) à l'humain qu'est le client.

Si la librairie est le lieu des émotions, des sens...etc, chaque détail de l'entreprise doit les représenter en passant bien sûr par le personnel : la porte d'entrée, le mobilier, le sol, l'éclairage, le lieu d'encaissement, la relation au client, le site web, les réseaux sociaux...

L'entreprise devient globale, cross canal, omni canal même, dans ses moindres recoins et pour la seule satisfaction du client.
Car attention si le client est satisfait de votre assortiment mais pas de votre accueil et de votre service de livraison, il y a de grande chance pour qu'il scanne chez vous et commande à la concurrence...

Dans cet article, les photos viennent du nouveau magasin Oxybul Eveil et jeux à Lille.
Les écrans tactiles font leur entrée, avec même un écran d'essayage virtuel des déguisements (en rouge ci-dessous) ! 



Félicitations à cette enseigne (reprise après la FNAC par ID groupe), le magasin est clair, lumineux et assez réussi.
Une première remarque, les bornes ne proposent que le site internet, ce qui n'est pas optimum pour les commandes en magasin. Mais je reste persuadé que dans quelques semaines, l'interface aura déjà évolué pour les plus grands plaisirs et loisirs des clients, petits et grands !
Autre remarque, le rayon livre et le mix-produit ne sont pas, à mon goût, encore au top du merchandising... avis de libraire.
Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est la mise à disposition de toilettes et de tables à langer, ce qui semble évident quand on sait que les clients viennent souvent avant la naissance (envies pressantes plus fréquentes) et après avec bébé (besoin de le changer)... Cela n'a rien à voir avec les produits vendus, mais le service est appréciable !


Cela ne vous rappelle pas une enseigne de carburant sur autoroute qui communiquait ainsi il y a quelques années : "vous ne viendrez plus chez nous par hasard" ?


Slogan qu'il faut dès à présent faire sien !



4 commentaires:

  1. J'ai beau faire, j'ai du mal à m'imaginer plantée devant une borne numérique dans une boutique (debout, dans le passage)...A ce compte-là, je reste chez moi, devant l'ordi, tranquillou...Pour aller dans une librairie "physique" il me faudrait retrouver le joyeux bordel des librairies que j'ai connues jadis: gros fonds où l'on fouine avec curiosité, abondance, découvertes imprévues. Plus personne ne se paie le luxe d'avoir un vrai fonds, donc je vais de moins en moins en librairie. 3 best-sellers sur une étagère et des bornes et de la wifi pour ma part n'y changeront rien.

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  2. Vous avez raison sur certains points, le joyeux "bordel" de la librairie...etc. J'entends même certains dire, "avant on pouvait discuter pendant toute une matinée avec son libraire préféré"... C'est vrai, on aimerait tous faire ça... Mais comme je le rappelle la librairie est un commerce avec un compte d'exploitation. Oui on peut discuter, en d'autres termes cela s'appelle "conseiller" pour certains, "vendre" pour d'autres, ou encore faire "emprunter" pour les bibliothécaires...
    Les bornes tactiles ne sont que le prolongement du conseil et de l'acte d'achat pour le client. Mieux vaut avoir une réponse au client, que rien du tout, sinon c'est "je retourne chez moi et j'achète dans une grande librairie pure player.
    Enfin, je crois, non ?

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  3. Merci de votre réponse, mais je ne parlais pas de discuter avec le libraire!:-) Je parlais de fouiner dans le fonds.
    Vos savez comme moi que c'est là le cercle vicieux actuel: moins de fonds car moins de gain, moins de gain car moins de fonds! Et qui a le plus vaste fonds? Internet...

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  4. Reste à définir ce qu'est un fonds... C'est un débat que j'ai depuis des années et aucun librairie ou client ne sait réellement le définir. Parfois on me dit que c'est ce qui "tourne" moins... Et là je sursaute en me disant que "L'étranger" de Camus ne fait peut-être pas partie du fonds puisqu'il "tourne" beaucoup...
    Vous avez cependant raison sur un point, sur Internet, le fonds est... illimité !
    C'est l'objet de mon livre, la librairie ne doit plus seulement se positionner sur le quantitatif, mais aussi sur le qualitatif, d'où l'importance de l'accueil et du service. Imaginez-vous que demain, avec la dématérialisation du livre, la librairie perdue au fin fond de la campagne aura à sa disposition des millions de livres à vendre à ses clients. La question reste : comment faire que ces clients viennent chez moi plutôt qu'ailleurs, ce qui a toujours été la question centrale du commerçant... On invente pas le commerce, il mute avec les nouveaux comportements des clients ;-)

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