La librairie est morte, vive la... ?

La quoi ?
Le monde de la librairie vit une mutation sans précédent, le commerce électronique et la dématérialisation du livre .
Comment les libraires doivent-ils s'adapter à cette nouvelle donne ?
Si la librairie d'aujourd'hui est morte, alors quelle sera-t-elle demain ?

mardi 26 mars 2013

J'aime mon libraire


C'est l'un des derniers billets de Thierry Crouzet.

J'ai trouvé ce billet et les commentaires très éclairants sur la situation de la librairie aujourd'hui.
Je prendrais donc, avec risque, vu les commentaires, de prendre la défense de monsieur Crouzet.

Pourquoi ?

Parce qu'à travers son billet, il fait écho à un sentiment qui me traverse souvent.
Ce qu'on reproche à Thierry Crouzet, c'est de déclarer sa flamme à "un" libraire en lui demandant d'être efficace... en utilisant les outils du commerce d'aujourd'hui.

On me dit parfois : "tu es rarement positif sur la librairie"
Réponse : c'est vrai.
Et pour les mêmes raisons.
J'ai le métier de libraire chevillé au corps et je suis désolé d'entendre, lire, constater autant d'erreurs et de voir autant de gâchis...
Pour paraphraser Seth Godin, la librairie pour moi, c'est "un heureux mélange d'idées et de cultures, complétement inattendu mais débordant d'énergie positive"
La librairie se targue souvent d'artisanat, ce qui est une erreur car sa vocation est d'être "commerçant".
Et même, dans l'esprit, on pense peut-être qu'un artisan est seulement un manuel, dénué de tout sens de l'innovation, ou plutôt devrais-je dire d'outils technologiques, déconnecté de la réalité du web... etc.
C'est une erreur, bien sûr, car certains sont sur le web, d'autres ont déjà publié des ebooks enrichis pour montrer leur savoir-faire, et d'autres encore surfent sur les réseaux sociaux...
Artisan n'est donc pas incompatible avec innovation technologique et le monde digital qui est le nôtre.
Que ces mondes du commerce connecté, du service client, du web, des médias sociaux, du numérique ne soient pas une évidence (le sont-ils pour quelqu'un ?), c'est normal.

Ce que je reproche à la librairie en général, dans le prolongement de Thierry Crouzet, c'est son retard, et souvent son refus de prendre à bras le corps ce monde digital qui pourrait lui offrir de réels opportunités.

Je suis consultant pour cela, pour accompagner ce métier que j'aime, à traverser et même à inventer ce que même parfois les grands groupes comme Virgin, Chapitre... ont du mal à imaginer.
Car oui, derrière la finance, il y a l'imagination (quand celle-ci n'a pas été éradiquée des entreprises), imagination qui est le coeur de ce métier et donc son moteur.

Définition : le consultant (conseiller) "a pour mission de formuler des conseils : il fournit à son client des recommandations issues de l'expérience (la sienne et/ou celle de son entité d'appartenance), appuyées par un diagnostic de la situation. En pratique, il reste présent dans l'entreprise pour accompagner la mise en œuvre de ces recommandations, soit en tant que superviseur, soit en tant qu'acteur."

Mais il faut reconnaitre que rares sont les libraires à faire appel à des consultants.
En débutant, je me suis dit qu'il y avait un boulot monstre pour adapter les librairies, groupes et indépendants, à s'adapter aux nouvelles exigences du commerce (on line et off line), aux nouveaux comportements du client, à la digitalisation du point de vente, des médias sociaux...

Rien, ou presque rien.

Alors, voyant ce métier se déliter, crier contre de nouveaux concurrents, raillant l'e-commerce, l'ebook... (bien que cela aille un peu mieux...), on se dit, à quoi bon...

Amazon a révélé quelque chose qui a toujours été en moi : le service au client.
Cette entreprise s'est construite sur la satisfaction du client et non sur le produit.
C'est ce que résume, à mon sens ce billet et ses commentaires.
C'est flagrant.
Tant que les libraires, quel-qu’ils soient, sur le terrain, petits et gros indépendants, grands et petits groupes, ne comprendront pas cela, ils sont voués à la disparition. c'est inévitable.
Le libraire n'est plus au service de l'éditeur (Offre produit) mais au service du client (Demandes de produits et surtout de services).
Offre / Demande, nous basculons vers une économie "à la demande" (du client) et c'est ce qu'il faut comprendre et mettre en place dans son entreprise/commerce si l'on veut la voir continuer son chemin.

Dommage, il y avait un rendez-vous au salon du livre sur la librairie de demain, à laquelle je n'ai pas été convié.
Peu de chose à retenir, outre l'initiative Paris-Librairies et quelques mots sur l'expérience client (tient, tient...).
Mais entendre parler sempiternellement de dédicaces et d'animations, je ne crois pas sincèrement que cela sauvera la librairie, en admettant que cela crée du lien social.

Alors, pour tenter de sauver la librairie française, faut-il se taire comme le fait beaucoup d'acteurs de la profession (libraires, éditeurs, prestataires...) ou faut-il parler, dénoncer au risque de ne pas être... consulté ?

"Le ciel vous tienne tous en joie" MOLIÈRE

12 commentaires:

  1. MERCI !
    Ces gens sont morts et font semblant de l'ignorer.

    Professionnel du monde le la High Tech depuis 30 ans, je vois les entreprises se transformer détruisant au passage le passé en usant des supports électroniques.
    J'achète 95% de ma centaine de livre annuels et tient un blog avec lequel il sera facile de passer un accord avec Amazon/Fnac.
    Mon libraire, 30 ans, n'imagine pas monter en // sa boutique numérique.
    ça m'énèrve
    Semaine dernière invité par les PResses de la Cité à rencontrer Michel Bussi, j'en profite pour interpeller l'éditeur. MAdame, j'aimerai juste que les lecteurs d'un auteur recoivent des emails annonçant la sortie de l'ouvrage suivant (+ tt le cross selling).
    "On y pense". Penser à faire de l'emailing.

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  2. Merci Patrick de votre témoignage à "visage découvert".
    Ce que vous entendez dans ces rencontres n'est jamais communiqué en public. Et je sais de quoi je parle. Mon interrogation est profonde. Doit-on se taire, sourire, bref jouer de la belle musique pendant le naufrage du Titanic, ou doit-on anticiper l'iceberg, sachant que nous l'avons déjà percuté : Amazon... et que d'autres (le livre numérique et les AAG) se profilent... ?
    J'ai fait le choix de l'honnêteté, par passion, par conviction, par amour de ce métier. Et j'ai toujours gardé de la distance pour ne pas être enfermé. Toutes les technologies, toutes les idées, (dans tous les commerces / produits) qui permettront de vendre du livre et de la lecture au plus grand nombre sont bonnes à prendre mais il faut repenser le business model...

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  3. Alors voilà, je suis une libraire " à l ancienne" si j 'en juge vos écrits...pourtant je ne demande pas mieux que de vivre dans votre "merveilleux monde du numérique"!!!
    A ceci près que : - j 'ai des clients (encore quelques uns) qui ne jurent que par le papier et si j'ai bien compris le livre numérique ne represente aujourd'hui qu 'à peine plus de 2 % du marché. Alors investir là tout de suite j 'hesite franchement ;o)
    Je prends mes commandes par tél par mail (bref n 'importe quoi pour satisfaire mes clients souvent extrêmement pressés!!!) mais si je leur fait payer les frais de port logiquement ils iront sur Amazon (pourquoi payer plus cher?).Et je ne peux vraiment pas faire sans frais de port car sinon ma marge y passe (déjà que je fais les 5 % de fidélité!!!). Alors est ce que je suis condamné? Bien sur comme dit si gentiment Mr Chabannes. J'ai ouvert ma librairie en banlieue il y a 5 ans (c'etait déjà condamné et je le savais)mais je suis incorrigible et je veux croire qu 'essayer c'est déjà un peu gagner. C'est un acte militant (même si aujourd'hui se mot prête a sourire). Alors oui je râle , autant sur la concurrence d'Amazon (je paye mes impots moi!!!) que sur les clients qui préfère un clic mais après se plaignent de la disparition des petits commerces, sur ces éditeurs/distributeurs qui privilégient les grosses enseignes et se retrouve avec 5 milliard de trou alors que nous autres n 'avons même pas un crédit de 20 euros et qui de ce fait coulent la profession ...bref oui je râle un peu sur tout le monde. Mais je me dis qu'en gagnant du temps (allez encore une année de passée) et même sans me payer j 'aurais un peu participé au fait que ce monde soit moins pourrit (rien a voir avec le numérique en l 'occurrence!!!)
    Indécrottable je vous dis!!!

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    1. Cher libraire,

      Ce qui est curieux dans votre discours c'est l'opposition entre le numérique et le papier. Pour moi, c'est un débat dépassé.
      Et si le marché n'est que de 2%, c'est que les prix sont trop élevés, Cf. la politique des éditeurs, et je ne parle pas des DRM.
      Sur le débat de la fiscalité et d'Amazon (conditions de travail... etc.), nous sommes nombreux à être d'accord. Cependant, la profession ne s'est pas préparée à son arrivée et n'arrive pas à combler le retard.
      La mutualisation des moyens logistiques par exemple (bien au-delà de Prisme) aurait dû être anticipée...
      Le militantisme ne prête pas sourire bien au contraire, c'est l'avenir du web 3.0... !
      Que vous soyez d'accord ou non avec la société, les clients infidèles... etc., c'est un choix, une posture.
      Alors soit vous décidez de lutter contre l'évolution de la société (bon courage), soit vous vous adaptez à ces nouveaux comportements et continuer à délivrer vos conseils de lecture en satisfaisant les besoins du client...
      Sur la dématérialisation et la rematérialisation du livre, voir le prochain billet sur l'impression à la demande : c'est déjà une réalité !
      Pensez-vous que les libraires ont anticipé ce phénomène ?

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    2. Cher Monsieur, je ne vois pas ou je fais une opposition papier /numérique? Je vous explique juste que pour l instant mes clients recherchent des livres en papier...ce qui tombe bien puisque c'est le propre d une librairie que d'en vendre!!! Interrogés sur le numérique la plupart m 'avouent qu ils ne se déplaceraient pas chez moi pour télécharger ...qu 'éventuellement oui si je proposais sur mon site...(problème: je trouve où l 'argent pour investir aujourd'hui alors que j 'arrive à peine a maintenir la librairie?)
      Les prix sont trop élevés dites-vous? Comme pour le livre papier me semble t il (et à ma connaissance malheureusement je n 'ai aucun pouvoir sur les editeurs, j 'ai déjà bien de la chance quand je ne suis pas en guerre avec eux pour mes achats!!!)
      La mutualisation semble être le grand mot à la mode aujourd'hui!!! Mais moi je dis bingo , ok , pas de problème...qui achète les entrepôts? Qui s'occupe de la livraison? Vous croyez vraiment que les distributeurs sont prêt à lacher comme ça? (je croyais être la seule à vivre dans le monde des bisounours!!! :oD) )
      Le militantisme ne prête peut être pas à sourire mais pour l 'instant je ne vois pas grand chose ( à part des mots) et je me sens un peu Mère Thérésa (comme me disent mes clients) à tenir une librairie sans me payer alors que tout le monde en tire (même faiblement)profit!!! Je participe mine de rien à faire vivre ,toute l 'economie du livre (de l editeur en passant par les livreurs les auteurs etc etc ) ainsi que ma banque , mon propriétaire etc etc...En gros je suis la seule à ne pas en obtenir un rond alors les leçons excusez mais j 'ai un peu de mal en ce moment!!! ^^
      Le problème n 'est pas d'être ou pas d'accord avec la société, le problème est d'essayer de l 'influer du peu de moyen que l 'on puisse disposer...ou alors effectivement s'en foutre royalement.
      Je crois avoir dejà dis que je me sens tout à fait à la disposition du client (chose essentielle en ce qui me concerne pour ce métier) mais si le client à des exigences que je ne peux satisfaire je ne vois pas très bien ce que je peux y faire. Et encore une fois cette histoire de livraison immédiate est à mon sens l 'arbre qui cache la forêt. Ce qui m 'exaspère c'est l 'incohérence des gens. Ils veulent tout, tout de suite, et en même temps se plaignent de la disparition des petits commerces (qui de fait ne peuvent satisfaire leur demande d'immédiateté) Personnellement ceux qui achètent chez Amazon ,ne fréquentent pas les librairies et se foutent royalement de leurs disparitions ne me gène pas. Au moins ils sont "raccord".
      Je suis moi aussi une cliente. J 'achète moins de viande mais chez mon boucher, je fais vivre le commerce local etc etc...

      Pour ce qui est de la dématérialisation du livre je vous renverrais à ma réponse sur le numérique: - un la demande ne se fait pas sentir
      -deux, je veux bien anticiper mais je n en ai pas les moyens
      -trois, j 'imagine très très bien la réaction des editeurs et des imprimeurs (encore un metier que l 'on veux faire mourir??) ;o)

      En gros je trouve tout cela navrant et j 'ai vraiment l 'impression que l 'on assiste à un dialogue de sourd , tant avec Mr Crouzet (après tout il a l 'excuse de ne pas être dans la réalité du terrain) qu 'avec vous (ce qui est plus surprenant vu que vous dites appartenir au metier!!!)quand je vois vos réponses et les siennes.


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    3. C'est que nous différons sur la vision de notre métier...

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  4. à la fois plein de libraires vendent du numérique :
    http://aldus2006.typepad.fr/mon_weblog/2009/10/librairie-num%C3%A9rique-1.html

    se forment au numérique et rencontrent/font appel à des accompagnateurs pour le faire (dont toi) :
    http://www.lemotif.fr/fr/nos-services/dispositifs-de-formation-pour-les-acteurs/formation-des-libraires-au-numerique-2012/

    seraient plus efficaces logistiquement s'ils vendaient la même chose dans les mêmes quantités pour obtenir des négos de volume... Or ce n'est pas la raison d'être des lib indé. Attention à ne pas arriver au résultat inverse (appauvrissement de l'offre et de l'expérience client) en voulant trop standardiser.

    Quant à ce qu'on peut penser d'un billet superficiel d'un auteur qui dit préférer attendre un jour plutôt que d'avoir un livre immédiatement, sans commentaire (tu sais aussi bien que moi la corrélation entre un assortiment bien choisi et les ventes).

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    1. Je suis désolé Sophie, il n'y a pas de rapport pour moi entre logistique mutualisée et indépendance... D'autres professions ont su le faire ! Pourquoi pas les libraires ?
      Quant à la standardisation, qu'elle soit celle de la logistique, cela me semble une nécessité absolue, en revanche, pas sur l'assortiment et le contenu... Ne mélangeons pas tout !
      L'efficacité logistique DOIT être au service de la biblio diversité !

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  5. il y a un rapport entre logistique mutualisée ET RENTABLE et indépendance d'achat, si. On en reparle à Chenôve.

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  6. La notion de service client, on se la pose déjà pour les marchés publics. Jusqu'où aller dans le service, sans perdre de vue sa rentabilité et sans se faire copier par la concurrence ? Au final tout le monde fera la même chose, au final le service client poussera toujours au plus vite et au moins cher, au final on fera comme pour la musique : on la téléchargera en peer-to-peer ou en torrent.

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    1. Pas d'accord, chacun a sa place quant au service client. Et la concurrence... est faite pour copier... les meilleurs qui entretiennent le meilleur du service client, à réinventer tous les jours. Ce n'est pas nouveau, cela existe depuis que l'humanité commerce...

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