La librairie est morte, vive la... ?

La quoi ?
Le monde de la librairie vit une mutation sans précédent, le commerce électronique et la dématérialisation du livre .
Comment les libraires doivent-ils s'adapter à cette nouvelle donne ?
Si la librairie d'aujourd'hui est morte, alors quelle sera-t-elle demain ?

samedi 29 novembre 2014

La librairie peut-elle être open source ?


C'est en parcourant une présentation de Benjamin Tincq intitulée "Business Models for Open Source Hardware" que je poursuis mes reflexions sur la librairie de demain et l'évolution de son modèle d'affaire.

Donc, à la question, la librairie peut-elle être open source, je répondrais oui.
(Définition de l'open source, ici)

Cette reflexion d'ailleurs prolonge ce billet "Pour une économie du li(v)re circulaire et moléculaire" que j'avais écrit en septembre dernier.

Prenons l'exemple d'OpenDesk (dont est tirée cette image), un marketplace de design open source pour le bureau.
Sur OpenDesk donc, vous pouvez télécharger le fichier et fabriquer vous-même le produit ou le fabriquer prêt de chez vous dans un FabLab.
Le paiement se partage entre le designer, le Fablab et la place de marché (marketplace).

Peut-on donc imaginer un tel modèle d'affaire pour l'achat de lecture ?

Ce qui revient à imaginer et créer une autre chaine de valeurs... Or, vous savez que je n'aime pas bien ce terme de "chaine" pour avoir plusieurs fois utilisé le mot "constellation" de valeurs, ce qui a pour avantage de ne placer personne au-dessus ou en-dessous des uns des autres.
L'idée est celle de l'harmonie et des équilibres économiques de chacun.

Donc, pour reprendre le modèle OpenDesk, nous avons un créateur : designer ou auteur, un marketplace : Site web d'OpenDesk ou libraire/éditeur, un atelier de fabrication ouvert à tous et local : le fabliv ou imprimeur...

Cela pose donc la question de la position que doit donc prendre (au moins explorer) le libraire entre édition traditionnelle et auto-publication...
D'ailleurs, on peut aussi se poser la question de la vente directe de l'auteur, l'éditeur et le libraire. Cf. ici un billet de reflexion suite à l'accord Hachette/Amazon : 
"Is that a business that will always demand that publishers pay 30 percent of their net to an Apple or an Amazon? Or can you imagine it as a service that publisher’s buy for a flat 50 cents a book as they publicize their books on Facebook and sell them directly? Doesn’t take much of a mental workout to imagine that."

Et de relire ce plagiat public : "Bouleversements stratégiques dans la distribution du livre".
Venons-en donc à ce que je nommais pour ma part "Hyper Lieu", qui vraisemblablement a un antécédent (Patrick Bazin) dans l'esprit de Ray Oldenburg, qui a écrit en 1980 (!) le livre suivant, non traduit à ma connaissance (quel dommage) : "The Great Good Place: Cafes, Coffee Shops, Bookstores, Bars, Hair Salons, and Other Hangouts at the Heart of a Community".
Vous aurez remarqué que dans le titre, nous retrouvons aussi "Bookstores" et que dans son esprit, ce lieu du livre et de la lecture est bien un tiers-lieu...
"Il s'agit d'un endroit que les usagers utilisent quotidiennement, et dans lequel ils font partie de l'environnement, d'autant plus qu'ils le fréquentent. On parle d'ancrage physique ou de sentiment d'appartenance. On peut rapprocher ce lieu des cafés où la discussion entre habitués fait partie des activités importantes."  Wikipedia

Est-ce une définition si éloignée (ou telle que devrait l'être) la librairie  ?

Quid du tiers-lieu aujourd'hui ?

Voici ici, une actualisation qui interroge à la mesure de la librairie...

Le tiers-lieux est :
  • collectif
  • un lieu
  • un espace de travail
  • une organisation 
  • un langage
  • numérique
  • une gouvernance
  • des services
  • des financements (un nouveau modèle d'affaire)
  • un lieu de prospective (de recherche)
Inspiré ?

Le livre et la lecture vous tiennent en joie !

vendredi 28 novembre 2014

"Quand y'en a plus, y'en a encore"

 / 

Un court billet pour prolonger l'article de Nicolas Gary sur le site ActuaLitté...

Le titre de ce billet est tiré encore et toujours, des sketches de Coluche.

Une phrase pour résumer la nouvelle campagne de communication de la toute nouvelle entité de la librairie indépendante : "Entrée ailleurs" !

Et ce n'est pas sans rappeler une première campagne qui d'ailleurs, soit dit en passant, a été le déclencheur de ce blog :"Pourquoi les clients désertent-ils la librairie, 1ère partie : "...au secours des libraires... ou "au secours ! des libraires !"

Remarquez, 300K€ ont été économisés, c'est déjà ça de gagné !

Je ne reviendrai pas sur la photo utilisée par le Ministère de la culture pour lancer l'initiative, allez voir et lire vous même, ici. (Où nous apprenons qu'il faut fidéliser le client)

Bref, une belle occasion manquée à mon sens, mais bon, allez, soyons positifs et gageons que cette campagne attirera le plus grand nombre de clients dans les librairies afin d'aider à leur pérennité.

Rendez-vous dans quelques mois.

Et vive Super Dupont !

Le livre et la lecture vous tiennent en joie !

samedi 15 novembre 2014

L'imprimerie va-t-elle "bousculer l'avenir" ?














Photo : novembre 2014

Bousculons l'avenir !

Il y'a longtemps que je n'avais pas lu de billets aussi intéressants et clairvoyants.

Au passage un grand merci à Yves pour son excellente veille propulsée sur son blog : Yat & Print media.

J'aurais même pu en faire un plagiat public comme j'ai commencé à le faire depuis quelques mois maintenant mais ses billets sont tellement complets qu'ils méritent un petit résumé, et je ne peux que vous inviter à les lire intégralement tant ils abordent, au-delà de l'imprimerie, toutes les problématiques liées au choc numérique, notamment du point du vie (lapsus : vue) des modèles d'affaire...
Et que l'on ne peut accueillir le numérique sans se poser également la question de la formation et du management...

"Bousculer l'avenir", à lire ici.
"La transformation numérique...", à lire ici.

Une seule remarque cependant, la non prise en compte par Eric Hazan de la mise sur orbite progressive de l'économie collaborative qu'induit la (r)évolution numérique dans la société et donc dans les entreprises.

Deux phrases m'ont marqué : 

"Cette transformation va toucher, à des degrés divers, toutes les entreprises de tous les secteurs, avec des niveaux de maturité différents. C’est un peu une cible mouvante : on observera dans 3 à 5 ans l’impact de ce qui est inventé aujourd’hui. En revanche, les entreprises sont en train de s’adapter à ce qui a été inventé il y a 3 à 5 ans, mais tout le monde ne s’adapte pas à la même vitesse. Une entreprise qui ne bouge pas aujourd’hui sera de plus en plus décalée." Eric Hazan

Cela laisse imaginer la posture à prendre dès à présent pour nos métiers du livre et de la lecture...

"Il s’agit de bien comprendre que le papier (livre ?) est un moyen de communication parmi d’autres et que l’évolution des moyens de communication va vers moins de papier. Les imprimeurs (éditeurs et libraires ?) ont alors tout intérêt à accroître leur expertise sur les autres types de supports ou de canaux de communication." Joe Webb (nom prédestiné !;)

Pour Eric Hazan, les 4 freins à la transformation numérique :

  • les rigidités organisationnelles
  • le déficit de compétences numériques
  • le manque de ressources financières
  • le manque d’implication visible des dirigeants

Je suis complètement en phase quand il parle de "changement culturel" dans l'entreprise, la mode du vocabulaire des consultants parlerait de modifier l'ADN... Mais on sait (et je le dis par expérience) comme il est difficile d'accompagner le changement dans les entreprises, qui, comme tout être vivant acculé par la peur de l'avenir, se tient prostré... (Le Gaulois n'a peur que d'une chose : que le ciel lui tombe sur la tête, dixit Asterix/Goscinny).

Les 5 dimensions du changement sur l'entreprise et l'ebitda : 
  1. le numérique augmente la pression concurrentielle (notamment des pure players)
  2. le numérique transforme l’expérience client en la rendant multicanal (on parle alors de cross canal, voire d'omni canal, d'"expérience d'achat sans couture")
  3. le numérique bouleverse l’offre de produits et de services (le modèle d'affaire des librairies restera-t-il exclusivement la vente de livres papier, quels sont les relais de croissance envisageables, quels services... ?)
  4. le numérique permet aux entreprises de prendre des décisions mieux éclairées, grâce au big data (Enorme retard de la part des libraires (CRM) et des éditeurs... Il y a un enjeu de partenariat équilibré entre eux à imaginer... Les offres de streaming francophones comme Cyberlibris par exemple peuvent aider les éditeurs et les libraires en ce sens.)
  5. la transformation numérique des processus (Le Saas, la mutualisation, le cloud sécurisé, l'open source... bien des pistes sont à explorer !)

La formation... (appelée de ses voeux par Fleur Pellerin)
Qui forme les futurs libraires aujourd'hui ?
Qui forme les chefs d'entreprise / libraires d'aujourd'hui ?
Les libraires sentent-ils le besoin d'être accompagnés dans cette transformation numérique, tant dans les changements de la société, de leur entreprise, des supports qu'ils vendent, e-commerce et ebooks ?

Les libraires et les éditeurs font-ils parties des "beginners" (1) ou des "conservatives" (2) cités dans le l'excellent rapport Lemoine, page 53 ?

(1) Beginners : Ces entreprises ont adopté l’usage des e-mails, ont un site internet et utilisent une variété importante de logiciels, mais elles sont lentes et sceptiques quant à une adoption plus avancée des outils numériques tels que les réseaux sociaux, les applications mobiles, ou les outils de Big Data. 

(2) Conservatives : Ces entreprises ont délibérément choisi de ne pas faire du numérique une priorité stratégique, bien qu’elles aient souvent une gouvernance claire sur l’adoption et la diffusion des nouvelles technologies dans leur entreprise.

La "hiérarchie aplatie" (je préfère horizontale) en interne de l'entreprise pose aussi la question en externe, c'est à dire des nouveaux leviers de partenariat à trouver entre les acteurs, d'abandonner la "chaine" d'enchainement du li(v)re pour imaginer et construire un autre écosystème commun moléculaire du li(v)re.
Quand je parle d'acteurs, j'inclus bien sûr le client/lecteur, les auteurs, les éditeurs...etc. 

Prêt à être bousculé ou à bousculer ?

Le livre et la lecture vous tiennent en joie !

dimanche 9 novembre 2014

La librairie du futur ?

Vendredi 7 novembre paraissait le rapport Lemoine intitulé : 


"La nouvelle grammaire du succès : La transformation numérique de l'économie française", à télécharger ici.

J'avoue ne pas avoir encore lu l'ensemble de ce rapport et ne m'être concentré que sur la partie parlant de la librairie, et qui semble être une priorité.

D'emblée, fidèle au ton de ce blog, première remarque, je constate qu'à la lecture du premier titre : 
"1ère partie  : La transformation numérique est en cours et est plus porteuse d’opportunités que de risques pour l’économie française, page 41..."
"La transformation numérique est en cours..." En cours ?

Reprenons le titre du livre "L'âge de la multitude" (écrit par des auteurs, publié par un éditeur, et vendu par des libraires), ou plutôt le sous titre : "Entreprendre et gouverner après la révolution numérique"...
"Après la révolution numérique..." Après !
Essai publié en... 2012 !
Et je ne parle pas du dernier Jeremy Rifkin (cité dans ce rapport) et surtout du livre "La société connectée" de Julien Cantoni...

2ème partie, point 3 : "La France doit miser sur les personnes, sur l’éducation et sur le lien entre intérêt général et bien commun", page 74.
"Miser sur (...) le lien entre intérêt général et bien commun"
Bien commun...

Au passage, je vous invite à relire un des derniers billets de ce blog où il est question de Commun et de constellation (à la place de "chaine") de valeurs du li(v)re : "Pour une économie du li(v)re circulaire et moléculaire"

Je ne vais pas revenir sur les nombreux billets de ce blog qui parlaient de commerce cross/omni canal, du cross/transmédia, de logistique connectée et du dernier kilomètre, le POD... etc. Je vous laisse fouiller :)

Mais rendons-nous à la page 114 du rapport : "Projet emblématique pour action immédiate n°4, Librairie du futur"

Qu'y apprenons-nous ?

Pas grand chose. 
Outre ce blog et bien d'autres, le dernier rapport de l'Obsoco (pour le SLF), à lire ici, n'a, à ma connaissance, fait l'objet d'aucun commentaire et d'aucun projet de mise en action...
Pourquoi ?

"CONSTAT"
Le constat ne nous apprend rien de particulier.
Mais citons :

  • "commerce du futur mixant technologie et humain"
  • "Amazon est en passe de devenir le 1er libraire et détient près de 70 % des ventes de livres en ligne"
  • "Le handicap majeur dont ils (les libraires indépendants) souffrent est d’ordre logistique : il faut pouvoir livrer un client en moins de 24 heures et leurs systèmes d’approvisionnement et de distribution ne le permettent pas."
  • "le passage à une librairie connectée"

Sur ce dernier point, je n'ai rien à enlever : 

  • "Une batterie d’innovations technologiques peut donc être expérimentée : modernisation logistique dans une perspective d’internet physique, mutualisation des stocks et organisation de librairies en réseau, prescription de livres à partir d’un algorithme de recommandation utilisé par les libraires, impression d’un livre manquant directement dans les librairies, livres numériques, etc."


"PROPOSITION"

  • "Construire la « librairie du futur », premier cas d’application de la réinvention du commerce" (c'est l'objet de ce blog depuis 3 ou 4 ans !!!)
  • "permettre un réapprovisionnement en 24 heures, la mutualisation des stocks et la mise en réseau des libraires, une évolution des libraires vers un métier de prescripteurs de support et de livre numériques, et l’expérimentation de solutions print-lab d’impression des livres in situ." (et non chez l'éditeur)

La France ne manque de rapports et il sera intéressant d'écouter et de lire les réactions sur celui-ci.
La France manque d'action et de réalisation.

CONFIDENCE
Pendant une petite année (2014), 5 professionnels, spécialistes dans chacun de leur domaine : 2 dans l'édition, un dans la librairie, un dans les NTIC, et un dans l'imprimerie ont travaillé sur un projet global de nouvelle constellation de valeurs  des métiers du li(v)re afin d'étudier la faisabilité d'une ambition : imaginer les nouveaux modèles d'affaires et faire des métiers du li(v)re des métiers d'avenir.
Il en a résulté l'architecture d'une plateforme du li(v)re à haute valeur ajoutée orientée "Métiers du li(v)re".
  • "Une batterie d’innovations technologiques peut donc être expérimentée : modernisation logistique dans une perspective d’internet physique, mutualisation des stocks et organisation de librairies en réseau, prescription de livres à partir d’un algorithme de recommandation utilisé par les libraires, impression d’un livre manquant directement dans les librairies, livres numériques, etc."
Non seulement, ils ont répondu en tout point à ce rapport (et ce dernier point) et celui de l'Obsoco mais en plus il est apparu qu'avec un tel projet, Amazon pourrait sérieusement vaciller sur le produit li(v)re.

Vous avez bien lu.

La force de ce travail a été : la taille de l'équipe, le professionnalisme, l'expérience, l'ouverture d'esprit, la neutralité, l'indépendance, l'esprit collaboratif et open source, et la passion du livre et de la lecture... 
Aucune pression, aucun corporatisme, aucun lobbying... 
Du travail, de l'échange, des rencontres, des interlocuteurs passionnés, et un objectif : le futur du li(v)re.

A bon entendeur...

Le livre et la lecture vous tiennent en joie...